Un hôtel qui hante les esprits

DÉBAT Les promoteurs du projet hôtelier Stavia 2012 et le Conseil communal ont organisé une soirée d’information sur l’avenir de la presqu’île de Nova-Friburgo. Grande affluence pour une soirée chaude en questions et incertitudes.

La rentrée s’annonçait chaude dans la Cité à la Rose, avec le dossier du réaménagement de la place Nova-Friburgo. Le projet de pisciculture, la démolition des baraques de pêcheurs ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Mardi soir, à la Prillaz, le Conseil communal et les promoteurs de Stavia 2012 ont réuni la population pour présenter un autre angle de cet épineux dossier de la presqu’île staviacoise: le très controversé projet hôtelier et ses tours à polémique.
Le syndic Albert Bachmann, qui entame ses dernières heures à la barre de sa commune, souhaitait une soirée de dialogue, en toute démocratie et dans la sérénité. A peine l’architecte primé Emile Aeby présentait-il les premières images des tours projetées que sifflets et huées se faisaient entendre parmi la foule estimée à 500?personnes. Le syndic a rappelé ses ouailles à l’ordre et la soirée s’est poursuivie dans un calme relatif, malgré une tension palpable.

Redimensionné
Présenté en mai 2012, «Othello», c’est le nom du projet retenu, laisse présager l’érection de cinq tours en lieu et place du vétuste Hôtel du Lac, désormais inexploité, racheté d’ailleurs par les promoteurs de Stavia 2012. La première mouture envisageait une centaine de chambres d’hôtel, 50 appartements hôteliers et un spa. Une année après, le concept est redimensionné avec une tour contenant 55 chambres d’hôtel 3 étoiles, une autre pourvue de 24 appartements, un troisième avec 26 appartements hôteliers 4 étoiles et toujours le spa-welness faisant le joint des quatre tours prévues au lieu de cinq. Bien entendu le complexe prévoit une brasserie, des salles de séminaires, ainsi qu’une piscine sur le toit d’un des cylindres. L’architecte a rassuré les Staviacois en leur indiquant que la presqu’île, bien qu’interdite à la circulation, restera publique «et plus accessible qu’aujourd’hui», avec des surfaces vertes augmentées.
Les investisseurs, représentés mardi par Pierre Aguet, ont déjà injecté 4 millions de francs. Alors que l’enveloppe globale d’investissement prévue en 2012 était d’environ 50 millions de francs. Le Vaudois a tranquillisé tout de suite la salle en précisant que ces appartements ne seront pas des lits froids. «Nous avons déjà fait de nombreuses concessions et il est important pour nous d’avoir le soutien de la population» a-t-il lancé, tout en se disant confiant pour la suite.
Après les présentations détaillées, le public d’ici et d’ailleurs a pu dire tout le bien qu’il pensait de ce complexe hôtelier. L’ancien urbaniste de la ville d’Yverdon, André Rouiller, a ouvert le débat en se demandant l’intérêt d’une telle construction.


Pérennité des manifestations de la place
Des citoyens veulent des garanties sur le fonctionnement de l’hôtel. Certains ont émis des doutes quant à ce que l’on pourrait trouver dans le sous-sol qui n’est qu’un immense remblai gagné sur le lac.
Mais c’est surtout la pérennité des manifestations de la place Nova-Friburgo qui a tenu la dragée haute. A savoir le Free4Style ou l’Estivale open air, entre autres.
De ce côté-là, la commune rassure les pessimistes. «Il y aura des conventions avec l’hôtel et les locataires», précise-t-on.
Plusieurs participants évoquent des soucis de trafic déjà très important l’été. Le syndic en profite pour ressortir de vieux projets du tiroir qui pourraient émerger un jour ou l’autre.
Des applaudissements encore à l’idée d’un citoyen qui y verrait bien l’implantation d’appartements protégés, en lieu et place d’appartements hôteliers. «Ce n’est pas l’endroit indiqué. Il y a un projet vers la gare qui pourrait voir le jour», répond Albert Bachmann au cours d’une soirée qui tourne décidément au fourre-tout.
Si des personnes sont totalement contre un réaménagement de ce joyau et le font savoir par leurs huées, Dominique Gutknecht n’est pas certain que le projet soit d’une fonctionnalité parfaite pour l’hôtellerie, tout en indiquant ne pas être fondamentalement contre un hôtel à cet endroit. «Un hôtel est une entreprise, il doit être rentable», signale Pierre Aguet.
Plusieurs participants souhaitent que les citoyens puissent se prononcer sur ce dossier à l’issue d’une consultation populaire. Toutefois, selon le vice-syndic André Losey, un nouveau droit distinct permanent doit être élaboré. En effet, le dernier DDP date de 1959, soit dès la projection de l’actuel Hôtel du Lac et il était valable pour nonante-neuf?ans. Une révision de ce dernier est envisagée pour permettre aux promoteurs d’aller de l’avant. Le message sera ensuite soumis au Conseil général qui décidera. «Il n’y a pas de référendum possible dans ce cas-là», signale le vice-syndic.


Et la friche hôtelière?
Après ce coup de sonde populaire de mardi, le Conseil communal, de concert avec les promoteurs, devra donner le pouls pour la suite des opérations. «Que voulez-vous sur cette place», telle est la question soulevée par le syndic.
Seule certitude, les Staviacois tiennent mordicus à leur presqu’île lacustre, ils l’ont bien fait savoir. Les autorités ne pourront pas l’ignorer après cette prise de température.
Si les citoyens ont signifié ce qu’ils ne souhaitaient pas sur cette place, aucune alternative n’a été évoquée concrètement pour l’avenir de la friche hôtelière. L’Hôtel du Lac appartient pour l’instant aux promoteurs qui le détruiront pour laisser place au nouvel hôtel. Mais en cas d’abandon du projet, la patate chaude pourrait alors revenir en mains de la commune.