Lâ??homme de la grotte, Maurice Dumoulin, est entré dans sa centième année

Maurice Dumoulin est entré dans sa centième année jeudi dernier. Il n?a pas emprunté le même itinéraire que le commun des mortels. «C?est une belle leçon de vie. Les chemins sont différents, mais souvent plus riches», lance le conseiller d?Etat Pascal Corminboeuf, présent pour remettre à Maurice le cadeau du centenaire. Un divin nectar du domaine des Faverges. «Autant boire l?eau de la mer», s?exclame Maurice en voyant la bouteille. L?homme n?a jamais bu d?alcool et encore moins fumé. Il préfère les douceurs.

Le citoyen de Bussy est resté un grand enfant. Il aurait pu passer sa vie dans une institution spécialisée. Mais grâce à sa famille, il a trouvé sa voie auprès d?elle. Une vie faite de travail, de découvertes et de défis, dignes des grands travaux d?Hercule.

La grotte à Maurice

Un jour, en 1978, Maurice décide de construire une grotte qui l?emmènera de Bussy jusqu?au lac. Des années de labeur à tailler la molasse au burin. Tout d?abord la grise, puis en 1984, il tombe sur de la molasse bleue, indomptable. Il abandonne son projet et n?ira pas jusqu?au lac.

Sa caverne mesure tout de même 16,50   m de longueur et 2   m de large et presque autant en hauteur. Il a enlevé plus de 60   m³de molasse qu?il a transportée dans des bidons à plus de 200   m de là. On peut estimer à 120 000 - 150 000 bidons de gravats. Impensable!

C?est dans cet antre que Maurice a installé son musée. Une collection d?objets hétéroclites. De l?art brut en quelque sorte, le reflet de son monde, de son esprit (voir encadré).

A pieds nus, été comme hiver

Depuis la fonte des neiges - du moins quand l?hiver veut bien nous en donner - jusqu?à l?arrivée de la suivante, Maurice Dumoulin va pieds nus et en bras de chemise. Seule exception, pour la messe dominicale qu?il ne raterait pour rien au monde. L?homme met des souliers et endosse un paletot. Très croyant, il voue une passion pour la Sainte Vierge. Jusqu?à l?âge de 50-60   ans, il a aidé les paysans lors des battages en grange. L?arrivée des moissonneuses-batteuses l?a obligé à rester à la maison. Grand travailleur, il glanait même à pieds nus. Un robuste le Maurice.

Le soir, il se rendait à la laiterie chercher le lait pour la famille. En rentrant, il s?arrêtait dans les maisons et visitait étables, cuisines, granges et poulaillers. Fin observateur de la nature, hormis ses balades à pied, Maurice se déplaçait aussi à vélo militaire, du Vully jusqu?à Vuissens. Il voyageait à l?instinct.

Il a frôlé la mort

En novembre 1984, Maurice souffre pendant des jours. Il ne dit rien, mais la douleur l?emporte et il doit consulter un médecin. Ce dernier le fait immédiatement hospitaliser à Fribourg. C?était une appendicite qui avait tourné en péritonite. Maurice est resté plusieurs jours aux soins intensifs. Les médecins étaient réservés sur son sort. Il est passé tout près de la mort. C?est un miraculé.

Il y a deux ans, sa famille l?a emmené voir la mer. Départ le matin, vol jusqu?à Nice et retour en soirée. Maurice a pu goûter l?eau de la Méditerranée. «Trop salée» à son goût.

Resté célibataire, Maurice Dumoulin réside chez sa nièce Bernadette Molina. Avec son mari José, ils s?occupent de leur aïeul et ceci depuis de nombreuses années.

«Il n?est pas embêtant. Le matin, il se lève en même temps que le soleil. Il fait son déjeuner. Il dîne avec nous puis le soir il prépare son repas. Il adore faire à manger. Il nous aide souvent encore pour le ménage», sourit José Molina.

«Les vraies richesses ne sont pas toutes dans les banques, mais dans les c?urs. Certains grands décideurs feraient bien de s?en inspirer», souligne Pascal Corminboeuf, impressionné par cette personnalité marquante du village de Bussy.

Un livre, une expo

Le photographe Mario Del Curto a saisi Maurice Dumoulin dans sa grotte. Un livre Monde miroirs en fait mention.

Ces photographies et un film seront à l?honneur en octobre 2008 au Musée de la Collection de l?art brut à Lausanne.