Sans Brandons, Payerne a la gueule de bois

Vendredi matin, le Conseil fédéral prenait une décision historique, celle d’interdire immédiatement toute manifestation pouvant accueillir plus de 1000 personnes, en raison de la propagation du coronavirus. Une décision incroyable, une stupeur pour les organisateurs des Brandons. Ils ont pris acte, mais forcément que le jour même où le carnaval devait démarrer, cela a beaucoup plus d’incidences qu'une décision prise quelques jours avant. On ne transige pas avec tout ce qui vient de Berne, mais vendredi matin, tout était prêt à Payerne pour accueillir des dizaines de milliers de personnes. La choucroute pour 990 convives mijotait dans les cuisines de la Halle des fêtes, les chambres froides débordaient de saucisses au foie, de filets mignons… L’orchestre NewZik venu du Sud de la France était là depuis le jeudi soir. Plus de vingt personnes. Les bars étaient montés et en ville, le nouveau village de fête avait une sacrée allure. Autant de frais d’infrastructures très importants engagés que le CDM devra honorer.

Oui, nous avons retrouvé dans le livre dédié quelques années où les Brandons n’ont pas eu lieu. Par exemple, il y a exactement 100 ans, on parlait alors de grippe espagnole et de fièvre aphteuse (bétail). En 1943 et 1944, pas de cortège non plus, mais c’était la guerre. Mais il faut bien se dire que les Brandons n’avaient pas l’envergure d’aujourd’hui et de loin pas un budget de 550’000 francs. Sylvain Hostettler, président du CDM, le dit souvent. «Organiser un carnaval, c’est très sérieux!»

Au siècle passé, ce même CDM a déjà connu de grosses difficultés, c’est le cas en 1943, mais aussi dans les années 1960. Il s’est toujours relevé.

Dans cette catastrophe, il y a une tradition qui a pu être respectée, c’est celle du Journal des Brandons, sorti de presse samedi matin. La parution satirique porte le titre de La Châtelaine, en relation avec un événement heureux, l’élection de la syndique Christelle Luisier Brodard au Conseil d’État. Par contre, facétie des «mours» rédacteurs, la dernière page porte un faux titre «Le jour d’après». Il s’agissait bien entendu d’une allusion à l’après Christelle Luisier à Payerne, mais force est de constater que ce titre, avec une abbatiale décrépie qui pleure, sur un fond nuageux, tombe à point nommé. Un pur hasard, mais quand même.

Ce week-end, l’heure n’était pas à la fête, mais vendredi et samedi de nombreux bistrots ont fait le plein de fêtards. Samedi, la traditionnelle tournée de la guggen Les Rebbiboel’s dans les hameaux s’est faite… sans instruments. Les musiciens ont chanté, devant un public les larmes aux yeux. De l’émotion il y en avait aussi à Trey, où les commissaires, orphelins de leurs guggens ont organisé une petite fête. Une autre guggen, Les Pedz’Ouilles a fait le déplacement, tout comme quelques membres du CDM, très émus.

Un même comité qui a pu compter sur une solidarité sans précédent pour démonter les premières structures du village de fête, vendredi déjà, avec plusieurs constructeurs de chars qui se sont spontanément présentés. Même chose pour la Halle des fêtes, où tout est désormais rangé grâce à l’élan de tous.

Malgré ces gestes de bonne volonté, qui ont touché un CDM reconnaissant et avant de réfléchir sur la prochaine édition des Brandons de Payerne, la première priorité du comité est maintenant d’honorer les factures et frais engagés à la mise en place de cette édition qui s’annonçait mémorable. Samedi soir, le CDM, par voix de communiqué a donné des informations qui espérons-le auront un impact positif sur l’avenir de ce carnaval cher aux Broyards. Nous reproduisons un extrait de leur communication ci-dessous:

«Malheureusement, après plusieurs années de météo mitigée, les Brandons de Payerne avaient besoin d’une belle 125e édition pour reconstituer quelques réserves financières. Cette annulation est émotionnellement et financièrement catastrophique! Tout don de soutien sera en conséquence accueilli avec une infinie reconnaissance et servira exclusivement à la couverture des frais engagés. D’avance MERCI de votre solidarité sur le compte Raiffeisen «125ème» IBAN CH38 8080 8003 5794 7848 2 au nom du Comité des Masqués, 1530 Payerne»

Notre journal s’implique aussi dans cette mésaventure, dans la mesure de ses moyens. Toutes les annonces publiées par le CDM seront acquittées dès lundi. Il nous tient à coeur de soutenir les manifestations de notre région broyarde. Vive les Brandons !

Ne manquez toutefois pas notre édition de ce jeudi 5 mars. Où il sera extrêmement difficile pour le reporter de service de relater une fête qui n’a pas eu lieu.

Texte et photo Rémy Gilliand